Les coupes à blancs : une aberration environnementale

Depuis plusieurs années, UfdH et d’autres associations de protection de l’environnement issues de toutes les régions de France, alertent l’opinion sur la pratique des coupes à blanc. Nous dénonçons une gestion des forêts industrialisée et non respectueuse des écosystèmes. La forêt domaniale de Saint-Gobain et Coucy-Basse, dont 9 000 hectares sont gérés par l’ONF, sur les 13 000 hectares de superficie totale, en fait les frais. Tous ceux qui vivent à proximité peuvent s’en rendre compte. Notre massif forestier est connu pour ses futaies de chênes et de hêtres qui se mêlent à d’autres feuillus : frênes, châtaigniers, érables, merisiers, tilleuls, ormes, saules, aulnes…

Le morcellement de la forêt

Depuis plusieurs années, la superficie et le nombre des coupes rases se sont intensifiées. A plusieurs reprises, nous avons effectué des prises de vues aériennes, qui montrent une forêt morcelée, ponctuée de nombreux « trous ». Au niveau du sol, ce morcellement est peu visible : pour masquer la réalité, et donner l’impression de préserver les paysages, l’ONF laisse un rideau d’arbres de 200 ou 300 mètres le long des allées ou des voies de circulation à proximité des coupes.
Bien que les clairières favorisent le développement des espèces végétales et animales qui en dépendent dans le cadre des évolutions naturelles de l’écosystème, leur développement artificiel est une catastrophe pour la biodiversité. Notons que cette pratique sylvicole a été considérablement réduite dans les pays voisins, qui la pratiquent à une échelle beaucoup moins grande.

Un impact sur la fertilité des sols


Le débardage, pratiqué à l’aide d’engins lourds, transforme les sols en bourbiers, creusés d’ornières impressionnantes. Par ailleurs, le tassement intensif des sols a un impact sur la microfaune qui y vit. Cette microfaune y prolifère véritablement, selon une densité impressionnante. C’est cette vie foisonnante qui décompose les matières organiques tombées au sol, assurant ainsi le renouvellement de l’humus, et donc la fertilité du sol forestier.


Après le passage des machines, les champignons et les bactéries qui vivent en symbiose avec les arbres au niveau des racines, les organismes décomposeurs, les vers de terre, meurent dans une terre où l’aération naturelle est empêchée par le tassement du sol.

Une érosion intensifiée


Rappelons que le massif forestier de Saint-Gobain est situé sur un ensemble de buttes témoins, comme celle de Laon, dont les versants sont souvent fortement inclinés. Sur les pentes, la suppression du couvert forestier sur de vastes surfaces expose les sols au ruissellement lors de fortes pluies. La photo ci-dessus le montre très clairement, alors même que les chemins de débardage ont été tracés parallèlement à la pente. L’érosion fait alors son œuvre : les sols arables sont progressivement emportés au bas des pentes.

La prolifération des ronces

Par ailleurs, l’exposition des sols au rayonnement solaire provoque la prolifération des ronces sur des surfaces importantes. Les autres plantes ont alors le plus grand mal à s’y développer. Autre conséquence: face à cette « jungle » inextricable, l’ONF a eu recours, un temps, au désherbant, ce qui fit scandale, puisque des espaces naturels étaient traités au glyphosate, à grande échelle ! On marchait alors sur la tête…

Vers une artificialisation de l’écosystème

La volonté de l’ONF est claire : favoriser l’exploitation mécanique et rationnaliser le développement des arbres : une parcelle, une essence, des accès faciles. La forêt n’est plus traitée comme un espace naturel, mais comme une surface cultivée, rentabilisée, comme le sont les surfaces agricoles. Cette artificialisation du milieu naturel se déroule par étapes, décrites ci-dessous

Dans un premier temps, le sous-bois est exploité. Il ne reste alors que les semenciers. Mais la mise à nu brutale des sols, l’oxydation des éléments nutritifs, empêchent la régénération naturelle.


Des arbres bien alignés, d’une même essence, d’un même âge. Un appauvrissement génétique, une uniformisation des paysages, une catastrophe pour la biodiversité.


L’ONF a recours à une régénération artificielle coûteuse, par des plants inadaptés au sol et au climat, avec plus de 50% d’échecs… Des arbres bien alignés, mais la ronce qui prolifère… On laisse un « arbre remarquable » pour faire bonne figure, et jouer les amoureux de la nature.

Quelques années plus tard, en lieu et place d’un couvert forestier varié, les parcelles sont couvertes par une seule essence d’arbres, tous du même âge. En somme, un champ d’arbres cultivés, tels des plants de maïs. En cas de maladie spécifique à cette espèce, c’est toute la parcelle qui est détruite.

Bien alignés, mêmes diamètres, espacés pour le passage des machines. « Pas d’arbres de plus de 50 centimètres de diamètres ! » affirmait-on dans les sphères dirigeantes de l’ONF… Mais dans ces champs d’arbres, la biodiversité est anéantie…


Quarante ans plus tard… Plus de sous-bois, pas d’étagement de la végétation. En conséquence, pas ou peu d’oiseaux, dont les modes de nidification nécessitent un étagement des hauteurs d’arbres. Pas de fleur, pas d’animaux. La forêt de demain : un désert.

Des routes sont créées sans études d’impact, ouvertes en permanence, non surveillées, puisque dans le même temps, le nombre d’agents forestiers est en baisse. Les conséquences sont prévisibles, et même visibles : braconnage facilité, pénétration des engins à moteur, et tas d’ordures au cœur de la forêt…

En conclusion

La forêt française est une forêt d’exploitation. Pour autant, cette réalité économique ne doit pas se faire au détriment de la réalité environnementale. La forêt n’est pas qu’un tas de bois, ni qu’un puits de carbone. Une certaine tendance écologiste actuelle est de privilégier cette approche basée sur le cycle carbone : on plante, on coupe, on usine, on retire du CO2 du cycle. C’est cette vision des « vases communicants » qui est systématiquement mise en avant dans la présentation de la gestion forestière. Sans nier ce rôle évident qu’a la forêt, nous affirmons qu’il ne peut pas être séparé du reste de l’écosystème sur lequel est faite une trop forte pression, motivée par une recherche accrue de rentabilité à court terme.